Ségou : de San à Kondia, ils découvrent grâce à leurs charrettes à cheval

Cherrettes pour chevaux au Mali
Cherrettes pour chevaux au Mali

Le voyage, comme la lecture, le cinéma, est une source inépuisable de connaissance.  Celui qui voyage découvre le monde : il voit, il entend, il analyse. Ainsi, il apprend, il comprend, il se compare et se corrige…

C’est le cas de quatre jeunes agarçons d’un village du Cercle de San qui, au lieu de se rendre dans les grandes villes pour l’exode rural, ont préféré rejoindre des villages du Cercle de Ségou, principalement dans le village de Kondia et ses environs, avec leurs charrettes pour cheval. Ils sont tous des amis et viennent du même village.

Ou se trouve Kondia ?

Kondia est un gros village de la commune rurale de Cinzana-Gare, Cercle et Région de Ségou. Avec une forte population, l’agriculture y constitue l’activité principale avec le petit élevage. Un petit hameau de peulhs auparavant en cases rondes, mais aujourd’hui en banco comme chez les bamanans à cause du manque d’herbes pour faire la toiture, situé très proches du village, favorise l’élevage. Pour plus d’information, retrouver ici, l’image satellitaire.

Dans les localités rurales du Mali, la charrette occupe une très grande place dans les travaux domestiques et

Charrette pour boeufs au Mali
Charrette pour boeufs au Mali

champêtre. Ainsi, il y a des charrettes pour les ânes, des charrettes pour bœufs et des charrettes pour les chevaux selon les localités. Dans le cercle de Ségou, la charrette pour ânes est beaucoup plus utilisée. On y trouvait des charrettes pour bœufs, mais cela se fait très rare ces dernières années. Dans le Cercle de San, les charrettes pour chevaux sont beaucoup plus utilisées.

En cette période de récolte, les besoins en charrettes dans les villages se font beaucoup sentir pour le transport des épis dans les champs sur les aires de battage  des sacs de mil dans les familles après les battages des mil. Parfois, pour les grandes familles où le travail doit se faire en quelques jours, il s’étend sur des semaines à cause du manque de charrettes car, chaque famille travaille au même moment avec la sienne, donc difficile d’en avoir…

Ces quatre jeunes garçons du Cercle de San ont saisi cette occasion pour se rendre dans des gros villages du Cercle de Ségou avec leurs charrettes tirées par chevaux dont le volume est beaucoup plus supérieur à celui d’une charrette pour ânes, donc pouvant transporter plus de bagages que ces dernières…

Que contient le séjour de ces jeunes charretiers dans le village de Kondia, dans la comme rurale de Cinzana-Gare, Cercle de Ségou ?  

Des greniers d'une seule famille à Kondia au Mali
Des greniers d’une seule famille à Kondia au Mali

Ayant appris par des saisonniers partis chez eux, que des besoins en charrettes se posent dans les localités rurales du Cercle de Ségou en période de récolte, ils ont opté pour venir chercher de l’argent avec les grosses charrettes tirées par des chevaux, que de partir à Bamako comme leurs semblables du village l’ont fait. A leur arrivée, aucun regret de leur idée parce que leur service est quotidiennement sollicité par des chefs de famille qui sont dans le besoin soit pour aller ramasser des épis de mil dans les champs et les transporter sur les aires de battage, soit pour transporter les sacs de mil pour les greniers après le battage. Ils sont également sollicités par les commerçants de céréales pour transporter leurs sacs de mil au marcher. Pour ces services effectués, Ils sont payés soit en argent ou en espèce. Ils sont tellement sollicités qu’ils n’arrivent pas à satisfaire les demandes, donc, ils sont contents.

La surprise c’est qu’au-delà de ce côté financier, ces jeunes de quinze à dix sept ans n’oublient pas d’évoquer le facteur culturelle, traditionnelle et sociale qu’ils ont découvert au cours de ce voyage. Selon ces jeunes, c’est leur première fois de tenter cette aventure, mais ça leur a déjà été bénéfique pour avoir passé des nuit dans des villages et de rencontrer des gens qu’ils ne connaissaient pas. A leur arrivée également à Kondia, ils ont été bien accueillis et leur intégration a été très facile, surtout avec leur groupe d’âge dans le village.

Comme tous les autres jeunes du village de Kondia, ils passent la journée à travailler entre les champs et les aires de battage. La nuit, ils partent causer avec leurs amis dans le village. Au cours de ces causeries, ils ces jeunes étrangers se rendent compte que le Mali est grand et riche de culture, de traditions, de coutumes, même si des fois selon eux, les pratiques culturelles et traditionnelles sont un peu différentes des leurs. Ainsi, la causerie ne porte pas sur la vie en ville, mais sur les fêtes traditionnelles annuelles, les mariages, les totems, les interdits dans les villages, le rapport entre jeunes et vieux, les tenues, les arbres et les lieux sacrés du village un vrai échange culturel et linguistique en langue Bomou et en langue Bamanan, une vraie intégration villageoise. (Ces jeunes n’ont pas leurs langues dans la poche. Ils répondent à toutes les questions, sauf qu’ils n’ont pas accepté qu’on leur prenne en photos ou les filmer…).

Pour la nourriture et l’hébergement durant leur séjour, ils disent que cela a été facilité par le système de « djatiguidon ». L’échange n’a plus continué sur  cette pratique parce qu’elle est connue et bien pratiquée dans la Région de Ségou.

C’est quoi le « djatiguidon » ?

« djatiguidon » est un consensus verbal entre un saisonnier et son tuteur autour du logement et du manger durant le séjour de l’étranger. Dans les villages, un étranger de passage, même s’il fait des mois, ne paye ni le logement, ni les repas qu’il mange dans la famille de son hôte. Mai bien sûr, s’il n’est pas vieux ou malade, il aide de temps en temps, les membres de la famille au travail si la raison de son séjour lui permet. Il y a même un proverbe bambara pour signaler cela : «Dounan sedouman ni bogotia » « l’étranger arrivant vite, trouve devant lui, le travail du banco ».   A détailler dans les articles à venir…) Mais le saisonnier travailleur qui arrive dans le village, il paie le logement et le repas par le système de «Djatiguidon» qui consiste pour l’étranger à travailler cinq jours pour ceux qui demandent son service et un ou deux jours gratuitement (selon l’accord) pour son titulaire. Ces un ou  deux jours dont appelés « djatiguidon » (les jours pour le tuteur). Il travaille ces jours pour son hôte en contrepartie du frais de logement et du repas, mais jamais en argent selon les règles sociales.

Pourquoi le « djatiguidon » ?

Cette pratique à l’origine, n’a pas été imposée par les tuteurs, mais par les étrangers eux-mêmes et chaque étranger s’engage volontairement à respecter cette close !  Naturellement, la société traditionnelle malienne n’appréciait pas qu’un «Kamalenkoro»  (un jeune homme parfait) se fasse nourrir gratuitement par d’autres personnes. Cette pratique est appelée «Fadento» (Le repas du semblablable) et est carrément interdite dans notre société. Il doit et vouloir et pouvoir toujours se prendre en charge, partout où il se trouve, dans le cadre du travail, mais quand il devient incapable pour des raisons, on lui vient au secours. Alors, le « djatiguidon » dans ce sens a pour but de permettre à l’étranger de manger à sa faim parce qu’il sait qu’il ne mange pas gratuitement, mais aussi, d’empêcher, en cas de conflit un jour avec les enfants de son hébergeur, de lui dire qu’ils le nourrissent gratuitement. Une autre raison c’est que consciencieusement, lui, l’étranger, ne peut pas venir se faire nourrir et loger par d’autres personnes au moment où il cherche de l’argent pour lui.

Cette pratique existe toujours dans certaines localités du Mali, surtout dans la Région d Ségou et applicable seulement aux saisonniers. Elle facilité le séjour de nos quatre jeunes de San, séjournant dans ces villages…

3 commentaires sur “Ségou : de San à Kondia, ils découvrent grâce à leurs charrettes à cheval

  1. Chez nous les peuls du Fouta-Djallon; le « djatiguidon » est notre « ndjatighiyagal » qui veut dire amitié qui ne s’applique pas que dans le domaine que tu décris ici. Il s’applique dans tous les domaines. Mais, il y a un proverbe qui dit qu’un étranger est comme le poisson au bout d’un certain temps, il commence à puer.

    Toujours plein de billets et d’images uniques! Merci de nous illustrer cette vie villageoise qui perd du terrain face à l’occidentalisation. Fais vite avant que ce soit trop tard.

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    • Bonjour Abdoulaye.
      A chaque que nous recevons tes commentaires parce que ça nous montre qu’un sage Afrcain vivant en Europe, apprécie ce que nous faisons et alors, nous nous disons que nous sommes sur la bonne piste traditionnelle malgré notre jeunesse. Merci pour ce soutien de sage.

      Ton commentaire me permet également d’évoquer un côté linguistique: « djatiguidon » en Bambara et « ndjatighiyagal » en peulh. Si nous nous referons à la tonalité, nous nous dirons que ce sont deux mots qui se rapprochent beaucoup et alors, les linguistes africains seront interpellés pour nous démontrer le rapport entre les différentes langues africaines. Alors, toujours une nécessité d’agir pour sauver les traditions et les langues africaines.

      Merci encore.

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  2. […] A lire ici le commentaire d’un des lecteurs de notre blog. Abdoulaye Bah dont voici le blog, un sage africain installé en Europe, dont le soutien et les conseils ne nous sont pas manqué dans nos différentes initiatives en matière de TIC,nous livre ceci en commentaire sur cet article. […]

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